Le porto : comment est-il réalisé et quelles sortes existe-t-il ?

Le porto est parfois vu comme une boisson démodée associée à la cave poussiéreuse de grands-parents. Il est pourtant très particulier : les raisins sont cultivés et vinifiés dans la vallée du Douro ; le vin est ensuite acheminé par bateau à Vila Nova de Gaia, la ville qui fait face à Porto (la deuxième plus grande ville du Portugal), où il fait plus frais. Un porto bien réalisé est un véritable câlin gustatif. Grand temps de témoigner à nouveau un peu d’amour à ce vin portugais séculier.

Où le porto est-il né ?

Le porto doit son nom à la ville d’Oporto (Porto), d’où le vin est expédié depuis près de 300 ans, majoritairement par des hommes d’affaires anglais. Au XVIIe siècle, une guerre commerciale fait rage entre les Anglais et les Français. Pendant tout un temps, l’import de vin français est interdit en Angleterre, et en 1693, Guillaume III augmente très durement les taxes. Les négociants anglais se tournent alors vers le Portugal, et plus particulièrement vers le nord du pays. Néanmoins, le côté léger et acidulé du vinho verde local ne séduit pas les consommateurs. Les Anglais poussent alors jusque la vallée du Douro, où ils trouvent des vins costauds, presque noirs, d'une grande concentration. Pour s’assurer que le vin conserve sa qualité pendant la longue traversée, ils y ajoutent du brandy pour le stabiliser.


On en croirait presque que ce sont les Britanniques qui ont inventé cette technique vinicole. Pourtant, dans le village montagnard de Lamego, un monastère cistercien l’utilise déjà. Seule différence : l’eau-de-vie y est ajoutée pendant la fermentation et non une fois le vin élaboré. Le résultat ? Un porto analogue à celui que nous connaissons aujourd’hui.

Où le porto est-il élaboré ?

L’appellation Porto est la plus sévèrement contrôlée au monde, et ce à chaque étape de production. Tous les portos qui quittent la région sont goûtés par le Douro Port Wine Institute (IVDP – Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto), comme en atteste le sceau de garantie qui orne le goulot des bouteilles.


Les raisins utilisés pour le porto sont cultivés dans une région délimitée de la vallée du Douro, patrimoine mondial de l’Unesco considéré – à raison – comme l’une des régions viticoles les plus impressionnantes au monde. Aucun rendement n’y est plus faible : jusqu’à 750 g pour les vieilles vignes, jusqu’à 1,5 kg pour les ceps de moins de 20 ans. La chaîne de montagnes Serra do Marão, qui culmine à 1 400 m, protège les vignobles des vents atlantiques.


Les raisins sont donc issus de la vallée du Douro, mais 2/3 de tous les portos sont toujours élevés à Vila Nova de Gaia, dans ce qu’on appelle des « port lodges ». Grâce à la proximité de la côte, le climat y est plus frais et l’humidité plus élevée que dans la vallée du Douro. Des conditions qui promouvraient l’élevage lent en fûts. Toutefois, certaines maisons ont désormais des caves à la température et à l’humidité régulées dans la vallée.

Comment le porto est-il élaboré ?

Plus de 80 cépages sont autorisés dans l’élaboration du porto. Jusque dans les années 1990, les vignerons n’ont aucune idée des cépages implantés sur leurs parcelles. C’est pourquoi aujourd'hui encore, de nombreux vignobles comptent un mélange hétéroclite de 20 à 30 cépages. Sous l’impulsion des célèbres maisons Cockburn’s et Ramos Pinto, diverses variétés sont examinées. Il s’avère que certains cépages se prêtent mieux à l’élaboration du porto que d’autres. Pour le rouge, la palme revient aux Touriga Nacional, Tinta Barroca, Touriga Franca, Tinta Roriz et Tinto Cão. En blanc, ce sont le Gouveio, le Malvasia Fina et le Vioshinho qui récoltent tous les lauriers.


Contrairement au vin rouge classique, la macération du porto est très courte. Les peaux ont donc moins de temps pour donner couleur, arômes et tanins au vin. Une extraction rapide de la couleur et des tanins est donc cruciale. D’ordinaire, les peaux remontent à la surface du jus après quelques heures. Traditionnellement, elles sont alors à nouveau immergées pour en optimiser l’extraction. Après une demi-journée, le porto titre environ 12 % d’alcool. Il est ensuite fortifié jusqu’à environ 20 % à l’aide d’eau-de-vie. Cet ajout d’alcool stoppe l’action des levures et interrompt la fermentation. Le vin contient alors encore beaucoup de sucres résiduels.


Après la vinification, le vin reste en cave jusqu’au printemps suivant les vendanges. Il est transporté vers les lodges à Vila Nova de Gaia et leurs conditions plus favorables pour un élevage lent sur bois.

Les portos les plus fréquents et leurs combinaisons

Porto Ruby

• Le style le plus simple et généralement le moins cher.
• De jeunes vins de différents millésimes reposent 2 à 3 ans sur bois, en cuves de ciment et/ou en inox.
• Les divers fûts sont assemblés, filtrés et embouteillés jeunes.
• Robe rouge rubis profond et caractère impétueux.
• Idéal pour pocher des pommes ou des poires.
• Délicieux avec des desserts légers au chocolat ou des douceurs épicées, comme le spéculoos.

Le terme « Reserva » renvoie à un porto « premium ». Un vin avec plus de couleur, de caractère et de profondeur que le Ruby standard.

Porto Tawny

De nos jours, un porto Tawny n’est souvent pas beaucoup plus âgé qu’un Ruby. C’est pourquoi vous trouvez parfois les deux styles dans la même catégorie de prix. La différence est que le Ruby est généralement issu de vins costauds à la robe foncée. Le Tawny est quant à lui plutôt élaboré à partir de vins plus légers issus de régions plus fraîches. Le porto Tawny doit son nom à la robe que lui donne son long élevage en fûts.

• Un mariage classique mais toujours gagnant : fromages à pâte dure ou bleus, comme le gorgonzola.
• Alternative originale au sherry avec du jambon sec et des amandes salées.
• Délicieux comme vin de dessert avec une tarte aux noix ou aux figues, du riz au lait, une crème brûlée ou encore des pastéis de nata.

AGED TAWNY PORT

• Élevage en fûts d’au moins 6 ans.
• Robe brune, tuilée due à l’âge.
Bouche plus soyeuse que le Tawny classique.
• Élaboré à partir des meilleurs vins, qui ne remplissaient toutefois pas les critères pour devenir un Vintage.
• Mention obligatoire de l’élevage sur l’étiquette.
Moins longue garde après embouteillage et ouverture.
• Associations culinaires similaires au porto Tawny classique.

Colheita

Colheita signifie « récolte » en portugais. Il s’agit donc d'une sorte de Vintage. Pourtant, le porto Colheita est très différent d'un porto Vintage. Vous suivez toujours ?

• Sa base est un porto Tawny d’un seul millésime.
Minimum 7 ans d’élevage, souvent plus.
• Mention obligatoire de la date d’embouteillage : idéalement, la bouteille se boit dans l’année.
• Délicieux avec des fromages bleus, du jamón et des desserts à la crème.
• Un must avec un Madeira cake ou des mince pies.

Porto Vintage

Ironie du sort : le style le plus onéreux est aussi le plus simple à réaliser. Et bien que les Vintages ne couvrent que 1 % de tous les portos, ils attirent pourtant presque toute l’attention sur eux.

• Le vin d'un même millésime est élevé 2 à 3 ans en fûts.
• Après l’assemblage et l’embouteillage, le porto est vendu.
• Il relève alors de la responsabilité de l’acheteur de laisser la bouteille reposer encore quelques décennies.
Les bouteilles sont lourdes, foncées et solides, de sorte à pouvoir être oubliées longtemps en cave.
• Le Vintage demande une grande attention lors du service parce que les lies sont nombreuses.
• Exprime pleinement son potentiel avec des fromages vieux à pâte dure ou du chocolat noir.

Ce qui distingue un porto Vintage d’un Ruby ? Les raisins sont d’une qualité exceptionnelle, sont uniquement issus des meilleures régions et sont vendangés à maturité optimale. Malgré cela, rien n’est sûr. C’est l’IVDP qui décide si un porto répond aux conditions requises pour être commercialisé comme Vintage. Si un producteur veut transformer l’un de ses vins en Vintage parce que sa qualité est exceptionnelle et qu’il y a suffisamment d’intérêt sur le marché, il en envoie un échantillon à l’IVDP. En tant qu’organisme de réglementation, c’est lui qui décide si la qualité et le potentiel de garde du porto en question sont suffisants. À la grosse louche, chaque décennie livre en moyenne 3 Vintages.

Late Bottled Vintage

Comme son nom l’indique, le LBV est un Vintage embouteillé plus tardivement.

• C’est un porto issu d’un seul millésime, embouteillé 4 à 6 ans après la récolte.
Prêt à boire dès sa mise en bouteille, contrairement au Vintage.
• Il n’est pas filtré, il y aura donc un dépôt dans la bouteille.
• Indétrônable avec des desserts riches au chocolat, du chocolat aux noisettes, des raisins secs et des figues séchées.
• Un véritable feu d’artifice avec du fromage stilton. Pour les fêtes, certains fromagers creusent un stilton pour y renverser une bouteille de porto. Résultat : le porto imprègne très lentement le fromage.

Depuis 2002 existe aussi l’Envelhecido em Garafa, soit « vieilli en bouteille ». Il faut pour cela que le porto soit élevé en bouteille au moins 3 ans avant sa mise sur le marché. Enfin, certains LBV sont filtrés, parfois même stabilisés à froid, afin qu’aucun sédiment ne se forme dans la bouteille. S’ils sont plus pratiques puisqu’il ne faut pas les décanter, ils ne présentent cependant pas la même profondeur que les LBV non filtrés.